GRAINES DE VIOLENCE
SERIE FREDERIC BOURRET « GRAINES DE VIOLENCE »
Texte de GIOACCHINO PEZZATI ©® Gioacchino Pezzati est responsable d’opérations éditoriales sensibles dans la Province de Palerme, en Sicile.
« Je me souviens avec plaisir d’une Professeure de secondaire qui nous enseignait à écrire en italien, en laissant chaque jour comme devoir à la maison la rédaction de pensées sur tout sujet qui passait par la tête de ses élèves.
Ainsi, en exploitant l’imagination et l’inspiration, nous apprenions peu à peu à écrire en italien et je dois dire que l’opération, au cours des années suivantes étaient remémorée, avec beaucoup de respect et de succès ; chacun avait la possibilité d’observer de ses propres yeux tout ce qu’il voulait, même un insecte, et de le décrire en liberté.
Il aurait également été utile, dans le domaine psychologique, de détecter les différentes sensibilités et les possibilités visuelles.
Voici la brève synthèse relative à la série de photographies imaginée par Frédéric Bourret qui semble scander et s’inspirer de ces temps où celui qui sait lire et a une vision peut saisir avec une âme inquiète les temps où nous vivons faits d’une violence quotidienne qui nous martèle et de façon subliminale, laissant au spectateur une tristesse, et l’acceptation que technologie et les événements quotidiens trouvent un mariage consentant.
Disons que, dans cette série d’images qui prend comme sujet la TV et la violence, il manque peut-être une image liée à l’espoir. Une image d’un autre temps concernant le début de l’invention quand cette boîte magique appelée TV faisait rêver en regroupant autour d’elle des générations entières de parents, enfants, amis qui voyaient en elle une nouveauté, un stimulus et un moment de sain divertissement, ayant presque la même fonction qu’une cheminée par une journée de froid.
Au moins, les premiers souvenirs que j’ai de la télé étaient ceux-ci, mais peut-être que cela dépendait aussi des valeurs d’une société qui, sortant de la guerre, sentait vivre l’espoir. Malheureusement, avec les années, elle est devenue, avec d’autres médias, un instrument de manipulation des esprits, un symbole de désintégration sociale où la parole et l’image assument un point de catalysation des esprits, similaire à ce qui se passe avec les réseaux sociaux qui, bien que conditionnés, sont peut-être moins hargneux car ils ont, au moins pour l’instant, une plus grande liberté de choix et de protagonistes, même si parfois vulgaires et infantiles, sont exposés à tant de mensonges et informations difficilement vérifiables.
Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve avec les diverses intelligences artificielles ; le progrès ne peut être supprimé, mais il peut aller de pair avec l’espoir d’une civilisation des valeurs, même si elle est mondialisée, où la vraie culture, celle libre de conditionnements et liée à l’être, trouve la juste reconnaissance.
Les photos de Frédéric Bourret invitent à prendre pleinement conscience que nous avons aussi une responsabilité face à la violence et à sa coexistence quotidienne à travers la TV. Car nous en devenons complices pour nous-mêmes et pour les autres.
Dans sa série Graines de violence, l’artiste photographe exprime parfaitement, d’une manière sobre et élégante, avec une esthétique particulière dirais-je, des sensations qui créent une réaction personnelle, unique, vivante, spontanée ; la beauté de la photographie est plus forte et rejette la violence. La série de neuf photos semble inspirer une histoire dans laquelle l’espoir d’une évolution… une ré-évolution, doit aussi être trouvée et interprétée.
Dans ce qui suit, je commente la série de photographies Graines de violence de Frédéric Bourret:
Une ancienne – mais pas si vieille – TV stéréo, avec un son plus sophistiqué des années 1970, pas en couleur, mais en noir et blanc, émerge d’un vieux mur, nous plonge dans la froideur d’une saison néfaste de morts dans la rue ; cette photo pourrait considérer un temps où les médias et le terrorisme ont marqué l’angoisse et la terreur d’une période pas trop lointaine où la violence a vécu à côté de nous (en Italie) avec les « Années de Plomb » et aussi les meurtres de la mafia… avec des médias de masse fournissant un programme quotidien de violence de bas niveau et s’imposait, nous tenant compagnie à toute heure de la journée, faisant aussi des nouvelles une violence sur notre esprit…
Puis, un fond à l’atmosphère crépusculaire, la scène entourée d’une pâle teinte picassienne bleuâtre, qui tout en symbolisant une forme de pureté, est aussi brouillée par l’acceptation d’une image sanglante qui nous fait vivre la violence projetée par la télévision avec une certaine sublimation.
Sur une autre photo, dans l’orange vintage des années 70, le noir et blanc de la télévision bien que, placée dans l’intimité de la cuisine, trouve son espace, en s’imposant encore une fois en diffusant et en transmettant des images d’une génération qui s’est déjà livrée à la mesquinerie..
Et sur l’image suivante, nous pouvons voir un monde crépusculaire où le bleu est encore plus intense que la présence d’une mort violente, en alimentant un sens de silence de l’âme et des heures nocturnes où la vitalité est déjà en soi souvent fondée sur la solitude.
Une autre photo montre l’intérieur d’un appartement aux contours flous d’où émerge une scène violente, peut-être celle d’un enfant assassiné entouré de terres violées, où la chaleur d’une maison nourrit un espoir lointain.
Puis, les humeurs d’une nouvelle image surgissent dans une ambiance qui semble celle d’un collectionneur, si imprégnées de couleurs cachées qu’elles semblent amplifier l’atmosphère d’une image négative violente où la dualité est présente et est transmise par une télévision presque fausse et sans âme, violant ainsi l’esprit de celui qui fait de sa collection une bannière de recherche pour la création, la particularité et l’unicité.
Nouvelle image, nouvelle scène : des plantes vivantes mais maigres font ressortir une télévision en plastique qui met en évidence une image de mort ou de fatigue culturelle d’un homme penché sur une table avec des barreaux derrière lui qui attestent d’une prison des sens dont peut-être il voulait s’échapper en esprit.
Dans la photo suivante, l’acquiescement et la signification de l’image est peut-être dans la découverte d’un suicide, où la netteté des contours et la couleur semblent annoncer ce choix, et où les quatre pieds du meuble qui porte la télévision (avec le corps) s’imposent comme indice… d’une mort déjà annoncée…
Enfin, un gris vieilli marque et fait ressortir un noir et blanc porteur sans âge de la mort, mais avec un espoir subtil qui le sauve du noir total, le tout cependant sans aucune couleur vive.
Alors que sur la dernière photo, la teinte orange dégage encore des sensations de vitalité ténue où un peu de bleu émerge d’un gris vintage et technologique. L’image s’élève du gris des lieux où l’angoisse se perd sur les longues lignes droites du chemin de fer, sanctionnant un choix qui engendre l’angoisse, mais aussi un faible espoir que le sujet puisse se repentir dans le temps et se sauver.
La force de cette série ne demeure pas dans le corps inanimé, mais dans l’esthétique que seul l’Art est capable de créer; une esthétique symbolique, qui cherche avant tout la beauté et qui nous fait prendre conscience de combien l’argument télé et violence peut être lié, dévier parfois, et ainsi s’éloigner des belles intentions nées avec cette invention. La télévision n’ouvre plus l’esprit, elle le conditionne, et il faut de l’Art pour nous faire prendre conscience qu’il faudra changer quelque chose… selon la civilisation et la sensibilité que nous souhaitons vraiment vivre et cultiver. »